Lagos Lady by Leye Adenle

Auteur:Leye Adenle [Adenle, Leye]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-06-19T20:47:44.565000-03:00 JF
Éditeur: Métailié
Publié: 2016-02-09T23:00:00+00:00

27

– Peut-être a-t-il utilisé un faux nom ? remarqua l’inspecteur Ibrahim.

Les officiers en civil qui se tenaient debout devant son bureau échangèrent un regard et se mirent d’accord, Dieu sait comment, sur qui devait répondre.

– Je ne crois pas, sir, dit l’homme qui avait tiré la courte paille.

– Pourquoi ? Pourquoi tu ne crois pas ?

– Sir, après avoir vérifié le registre de l’hôtel, nous avons également interrogé le responsable de l’équipe de nuit, et il nous a assuré que le ministre n’a jamais dormi à l’hôtel.

– Il a dit ça ?

– Oui, sir.

– Mais ça ne veut pas dire que le ministre n’était pas là. Ce n’était peut-être pas officiel. Peut-être est-il entré et sorti discrètement. Il voulait que personne ne sache qu’il était là. Il a pris un faux nom et il n’est pas arrivé en voiture de fonction. Il a utilisé celle de la fille. C’est elle qui l’a conduit là-bas. Personne n’a dû les reconnaître.

Ibrahim parlait tout seul, et ses subordonnés attendirent consciencieusement qu’il reprenne ses esprits. Il sortit un stylo de sa poche de poitrine, le serra au creux de son poing, l’approcha de son front au-dessus de son œil droit et en frotta l’extrémité avec son pouce, en fixant le plafond.

– Tu sais à quoi ressemble le ministre ? demanda Ibrahim.

L’agent hésita avant de secouer la tête.

– Et toi ? demanda-t-il à l’autre.

– Non, sir.

Ibrahim hocha la tête, comme si cela prouvait la validité de son argument.

– Ah, vous voyez ? Ils étaient ensemble. Ils étaient à l’hôtel. Ensemble.

– Sir, répondit le premier agent, dont le corps se ratatina avec servilité. Qui, sir ?

– Qui ?

– Vous avez dit qu’ils étaient ensemble, sir ?

– Oui. Ensemble.

– Mais qui, sir ?

– Quoi ?

– Rien, sir.

– Je sais ce que nous allons faire.

Un coup à la porte interrompit le malaise. Ils se tournèrent pour regarder. Un policier plus âgé entra.

– Sir, la voiture est prête, annonça-t-il.

– La voiture ?

– Oui, sir. Vous m’avez dit d’aller laver la voiture, et que nous allions à Victoria Island.

– Ah, oui.

Ibrahim passa la paume de sa main sur ses cheveux ras et termina son geste en se grattant sous le menton, qui commençait à le démanger. Il devait se rendre dans une villa sur Victoria Island, pour une réunion avec des gens qu’il n’aimait pas mais qui pouvaient lui faire perdre son boulot, s’ils voulaient.

Son prédécesseur lui avait expliqué que, quand les crimes du continent débordaient sur l’île, les habitants paniquaient. Ils créaient des associations, ils s’organisaient, ils complotaient, ils influençaient les législateurs, ils faisaient virer les chefs de la police et désignaient leurs remplaçants. Ils faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour maintenir la sécurité de leur chère petite île – y compris convoquer un officier de police et lui faire perdre un temps professionnel précieux pour flatter les caprices de leur suffisance. Le prédécesseur d’Ibrahim les jugeait responsables de sa mutation à Jigawa.

Une heure avait presque passé. Le chef de la police allait bientôt appeler pour avoir du nouveau.

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